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My life is a failure
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24 août 2010

Valentin's Day #1

Valentin est un ami de Monsieur. Un ami du lycée, avec lequel ils ont fait les quatre cent coups, comme par exemple ne pas rester plus d'une heure à chaque épreuve du bac en essayant d'avoir la meilleure note possible. Ensuite ils ont été en première année d'école d'ingénieur ensemble, puis Valentin a laissé tomber l'informatique pour se rediriger vers les maths, puis il a laissé tomber les maths pour la sociologie.

C'est lui qui m'a recueillie il y a un peu plus de deux semaines maintenant, un jeudi soir, à presque minuit, et qui m'a hébergée pendant dix jours.

J'ai rencontré Valentin en 2003, via un jeu de rôle en ligne. Il faisait partie des personnes les plus détestées du jeu. Il faut admettre qu'il est sans pitié, ce qui est très drôle lorsque l'on est spectateur de son acharnement sur une personne qu'il a en ligne de mire, mais beaucoup moins quand on en est la victime, et j'en sais quelque chose.

Une des premières choses qu'il m'a dites après notre première rencontre, c'est que mes seins étaient des gants de toilette. Dans les mois qui ont suivi, j'étais une grosse nulle, une nulle, une naze, une conne, j'ai encore sous la main quelques répliques cinglantes qui me furent destinées à l'époque, et j'aime autant vous dire que j'ai passé de longues heures à pleurer devant mon écran après avoir ramassé une vanne de sa part. J'ai toujours admiré son sens de la répartie malgré tout, et mon rêve secret est d'arriver à son niveau de sarcasme un jour. C'est pas gagné, mais je veux y croire.

Pour être honnête, il n'y a pas que son sens de la répartie qui m'impressionne chez lui : il y a quatre ans environ, lorsque j'avais ouvert mon blog, il en avait créé un lui aussi, pour essayer, et je suis tombée littéralement amoureuse de son style et du contenu de ses articles. Derrière ses attaques mesquines, j'ai découvert un sens de l'observation phénoménal, un esprit critique et une maturité que je ne lui aurais jamais prêtés si je n'avais pas lu son blog. A partir ce cette époque, je l'ai perçu différemment, et son avis a pris beaucoup de valeur à mes yeux, malgré son détachement apparent pour tout ce que l'on pouvait lui dire.

L'un de nos amis est mort en 2007. On l'aimait tous très fort, il faisait l'unanimité pour lui. Valentin a été le seul à refuser mon épaule pour pleurer à l'enterrement. Sauf que moi j'avais envie de le réconforter, parce que même si aucune larme n'a coulé des ses yeux ce jour-là, il m'a suffi de croiser son regard pour être frappée par sa souffrance et la trouver inadmissible et insupportable. Il m'a repoussée avec une telle violence que j'en ai été choquée et n'ai plus voulu lui parler ni même le regarder. Nous sommes tous arrivés à la voiture, je suis montée, me suis recroquevillée dans mon coin et ai piqué une crise de nerfs, seule, comme lui. Il a eu comme un mouvement vers moi, comme s'il regrettait son comportement. C'est un des rares gestes d'ouverture de sa part auxquels j'ai eu droit. Monsieur m'a dit, après ce non-évènement qui m'est quand même resté en travers de la gorge un moment, que Valentin tenait beaucoup à moi. J'ai refusé de le croire, pas parce que je pensais qu'il se trompait, mais parce que j'avais peur de m'investir dans une relation à sens unique avec quelqu'un qui, potentiellement, pouvait occuper une grande place dans ma vie. Il avait une relation très particulière avec notre ami décédé, l'un et l'autre ayant été amoureux de la même fille il y a quelques années, et le rival ayant remporté la partie au grand désespoir de Valentin.

Ce que je ne savais pas, d'ailleurs, c'est à quel point il en avait souffert, et quand je l'ai appris, j'ai juste eu envie de le prendre dans mes bras et de lui demander pardon de n'avoir rien vu à l'époque.

Il est impassible. Indéchiffrable. Désespérant. S'il ne vous dit pas ce qui lui passe par la tête, c'est impossible de le deviner. Sa tactique de défense est redoutable, il a calculé la moindre vulnérabilité, repéré le moindre trou dans la carapace et l'a solidement bouché.

Je me suis souvent repassé le fil des évènements pour faire le point sur notre rapport l'un à l'autre, qui est assez étrange. On est passé d'un bashing en règle à une relation apaisée, puis un peu plus complice, mais jamais explicite. Tous les échanges constructifs que nous avons pu avoir ont été remplis de sous-entendus. Il m'a donné peu de conseils, mais précieux, et après avoir suivi l'un d'entre eux j'ai su que je pouvais lui faire confiance. Enfin je le pensais jusque récemment.

Il aura fallu sept ans et une rupture pour qu'enfin on s'ouvre l'un à l'autre. Je suis incapable d'expliquer pourquoi c'est lui que j'ai voulu appeler en premier quand tout s'est cassé la gueule. J'avais envie d'être avec lui, chez lui, en sécurité dans sa bulle à lui. Quand il a décroché, c'était comme s'il avait compris avant même que je ne lui dise. Oui, tu peux venir, oui, tu restes autant que tu veux, mais j'ai qu'un canapé tout pourri, tu vas mal dormir. C'est pas grave, ce sera toujours mieux qu'à la maison où l'ambiance est pourrie.

Mes autres copains sont arrivés en voiture, j'ai pris trois fringues, ma couette, et je suis allée m'installer chez Valentin.

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